(…Remerciements d'usage…)
Je vous propose un court discours en deux points. Tout d'abord la photo entre nous
et l'étranger, l'étranger étant entendu comme au-delà des Pyrénées, à la Blaise Pascal.
Objectif Image Trégor est une association culturelle
participant à une économie non marchande, qui tisse des
liens dans divers niveaux de la société et dans le Trégor
et plus loin encore, en Allemagne, au Danemark, en Ecosse,
en Irlande, et en Espagne l'année dernière. Cette année
nous voilà aux portes de l'Asie avec Chypre et la Turquie.
Jusqu'où irons-nous chercher nos collègues photographes
étrangers l'année prochaine ? La Chine ou Hong-Kong se
serait intéressant.
Vendredi il y a quinze jours, le conseil général
apportait son soutient à un débat citoyen organisé par les étudiants
de l'IUT à la médiathèque de Lannion sur un thème lié à la notion
d'étranger. Nous avons accompagné ce débat d'une exposition
photographique impromptue. Je suis très attaché au fait que la
photographie permette d'échanger par delà le temps bien sûr, par delà
la distance aussi mais plus remarquablement par delà le langage, en
fait par delà la culture. Je ne connais que la musique et la
photographie capables d'une telle prouesse.
Maintenant, deuxième point : comment apprécier une photographie même venue d'un autre monde ?
La photographie est un art démocratique pas
regardant. Qu'elle soit en noir et blanc ou en couleur, elle
accepte les pauvres, les riches, les professionnels, les
amateurs, les petits, les gros les frisés, les chauves, les
vieux et les jeunes, ceux qui prennent flou et ceux qui
coupent les têtes.
Tant qu'il y aura des photographes, il y aura forcément
les tenants de la "photo art" et ceux de la "photo
document", ceux de la "photo souvenir" et ceux de la "photo
témoignage", mais la définition de l'art en général et de
l'art dans la photographie en particulier restera aussi
controversée que le sexe des anges. C'est un débat éternel
et vain.
Tout bien pesé - à la limite - pour bien voir une photo,
il vaut mieux fermer les yeux. J'en appelle à Gustav Janouch
qui disait à Kafka que la vue était la condition préalable à
l'image, et Kafka répondait : « on photographie des choses
pour se les chasser de l'esprit. Mes histoires sont une
façon de fermer les yeux ».
Dans une lettre à Louise Collet, Flaubert écrivait « Pour
qu'une chose devienne intéressante, il suffit de la regarder longtemps ».
Je trouve que cela complète merveilleusement bien le propos de
Kafka : au bout d'un certain temps on arrive enfin à voir avec les
yeux de l'esprit. Et c'est ce qui compte.
Je vous souhaite bonne visite !