Do – Le photographe est musicien. Sur les chemins de traverse, son
violon offre une part de son âme. Donner c'est aussi recevoir en
échange ; le photographe ne dérobe rien, ses images ne sont que les
empreintes d'instants partagés.
Ré – Ses chaussures de vent l'ont porté dans de nombreux pays. Le
propos tenu n'est pourtant pas géographique, pas même ethnographique,
il ne démontre pas, il ne rationalise pas, il montre, tout simplement,
et c'est à prendre avec le cœur.
Mi – Ici point de couleurs pour empaqueter le propos. Prenons cet
instant de vie au bord du fleuve Niger où l'on sent bien que le soleil
tombe à rayons raccourcis sur le paysage. Juste du noir pour les
ombres, quelques gris ici et là, et un immense ciel blanc qui s'arroge
presque toute la place.
Fa – Ne nous laissons pas égarer par la simplicité apparente de la
composition. Les personnages debout dialoguent au sens propre mais
aussi graphiquement avec les garçons qui jouent. Puis le regard
poursuit une spirale le long des jambes de l'enfant pour nous laisser
sur la minuscule silhouette qui au loin s'en va, sa charge sur la
tête, vers on ne sait quelle destinée. Et l'on s'arrête là, essoufflé.
Sol – Cette image de Katmandou où l'enfant mendiant s'asperge de sang
animal afin que la pitié des passants dépose des amas de billets
devant son corps à moitié nu porte témoignage d'une extravagante
complicité avec le photographe. Quelle nécessaire connivence permet la
cohabitation de l'homme blanc avec ces très jeunes adolescents dont le
dessein journalier est de tout simplement survivre ? Quelle singulière
empathie permet d'unir à ce point les dissemblances de natures ?
La – Qui regarde qui ? La jeune fille à la poupée trop grande plonge
avec confiance ses yeux droit dans les nôtres. À y regarder de près
son sourire est celui de Mona Lisa. Il affirme que son royaume n'a
d'autres limites que l'horizon. Ici l'instant décisif s'efface, le
temps s'arrête, s'étire et devient lui aussi infini.
Si – Le photographe tisse des liens entre lui et les autres, jette un
pont entre nous et les autres. Le jeune écolier Rom qui pose devant le
taudis qu'il habite, semble partager plus de choses avec nous qu'avec
les habitants des immeubles voisins.
# – Chaque cliché proposé est comme un accord. Accord majeur que l'on
perçoit sans nuance à l'instar de ces enfants arméniens qui jouent
dans leur maison ou accord mineur, plus subtil, où l'œil découvre des
résonances et des échos à l'exemple de ce bébé du Ladakh dans son
couffin d'osier.
Daniel Collobert, avril 2012