« L'art inspire le monde parce qu'il est le monde au moment où il le pense
et ne peut être considéré comme un objet partiel. Il a toujours quelque
chose à voir avec la machine, le commerce, l'argent, la séduction, en bref
avec l'autre ».
Stéphanie Moisdon Trembley
Cette manifestation qui ne se veut pas une exposition, qui présente au
regard des photographies qui ne sont pas des œuvres, qui ne sont pas signées
par un artiste, qui sont considérées comme ratées par le commerçant
photographe au point qu'il les Non Facture, cette manifestation ne prétend
rien démontrer et n'affiche aucune orientation artistique précise.
Elle pourrait se penser comme une simple dérive artistique.
Ces photographies tirées du rebut pour accéder au visible, ont cependant été
sélectionnées parmi tout un ensemble jetable. Sur quel critère ? Très
arbitrairement celui du flou.
Parce que produire de l'illisible, de l'incertain, de l'inconséquent, du
vide parfois, génère l'idée du contraire.
On suscite ainsi l'envie chez le regardeur d'une image achevée, d'une image
reconstituée par sa mémoire visuelle des arts, de l'histoire, de son vécu.
Le but ici recherché est que ce regardeur s'engage dans une démarche active,
en complétant le travail exposé, en entretenant une véritable conversation
dans l'espace qui sépare ce que lui-même perçoit de ce qui est perçu. Et que
cette rencontre dialectique consciemment voulue entre le processus mental du
regardeur et sa contrepartie matérielle, féconde sa réflexion et/ou son
imaginaire.
Cette manifestation entend donc, à son échelle, se distinguer des
expositions classiques en ce sens qu'elle a pour volonté première de
partager avec un public une pratique artistique activée par un échange
d'idées informelles. Qu'il s'agisse de questionner « le vaste territoire des
modalités d'expression de la valeur de l'art », de s'interroger sur les
rapports que l'art entretient avec l'institution et le marché, qu'il
s'agisse d'interpréter des assertions telle celle de Robert Filliou :
« L'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art. ».
Hors de toute notion de présentation ou de représentation, l'Estive, dans ce
« donné à regarder », où les rencontres et les échanges d'idées qui en
résultent sont essentiels, expérimente l'événement.